Le Brillat
122 Avenue de Villiers – 75017 Paris
Tél : 01 43 80 10 10
Connaissez-vous Jean Anthelme Brillat-Savarin ? Né en 1755, il est connu pour être l’un des plus grands gastronomes, et il est français. Grand épicurien, il a participé à la gastronomie française en rédigeant notamment la Gastronomie du goût. Publié en 1825 peu avant la disparition de son auteur, l’ouvrage se trouve être l’un des textes fondateurs de la gastronomie en étant empreint de sagesse et de bons mots. Et ça, c’est le patron du Brillat qui nous l’a dit.
C’est propre comme un sou neuf que le restaurant au coin de l’Avenue de Villiers et de la Rue du Châtelier a rouvert depuis le 11 juillet dernier. En travaux depuis juin, la déco est toute fraîche, dans les tons écrus et noirs, avec un mur doré très printanier. La transition semble être presque achevée : racheté en fait depuis janvier, Alex, le patron, nous explique que lui et son équipe ont pris le temps de s’installer dans ce très bel établissement qui nous séduit au premier regard.
La salle du Brillat étant encore vide, nous discutons un peu, de vin d’abord. Servi au verre, au pichet et à la bouteille, la base de la carte des vins reste toujours la même, avec cependant quelques variations au programme. Le Brillat travaille avec un négociant en vin qui déniche de très bonnes bouteilles, peu connues mais qui se détachent du lot. On sent une vraie volonté de proposer un produit certes abordable mais avec une réelle qualité, avec un « équilibre du goût du début à la fin ». Alex nous parle du Mourvedre, cultivé dans la Principauté d’Orange – juste au-dessus de la Provence. Le raisin a besoin de beaucoup de chaleur, pour un vin bien équilibré grâce à un vieillissement qui l’a anobli, lui faisant perdre de sa rudesse. En effet, celui qui figure à la carte est de 2000, à 6€50 la bouteille, et nous promettons d’en prendre un verre pour accompagner notre repas ; et il nous tarde de commencer !
Justement, quelques mots à propos de la carte en elle-même. Outre la présence toute légitime du Brillat-Savarin à la carte des fromages, le produit phare du restaurant est le Black Angus. C’est un bœuf américain sélectionné parmi les 2 premières gammes qui existent (niveaux de qualité Prime et Choice), élevé aux Etats-Unis, en Ecosse (pays d’origine de l’Angus) et au Chili également. Nourrie au grain brun les 100 derniers jours qu’elle passe dans son pré, la bête passera à la casserole d’une façon bien spécifique : l’Angus a son four dédié. Tout simplement parce qu’une entrecôte bien épaisse ne peut pas cuire uniformément dans une poêle. Le four est capable de monter à 700° (ça, c’est pour nous impressionner) mais on cuit la pièce de viande à 450° « seulement », pour une cuisson harmonieuse.
La Bête.
Bref, ici, on sert la vraie Black Angus, « le produit dans son identité », dixit Alex. Principe d’ailleurs décliné sur toute la carte, appliquée à la Burrata, en entrée. La simplicité qui tend vers la perfection.
Ca semble très philosophique jusque-là, mais ça commence à se concrétiser quand nos deux verres de vin arrivent.
Le bal est ouvert. Jérémy et moi plongeons le bout de notre nez dans nos verres respectifs. Le vin a eu le temps de développer toute sa « palette aromatique », comme on dit. Mon premier test olfactif me laisse sans voix ; époustouflant ! Un arôme puissant, complexe et subtil, qui me fait penser à une ballade en forêt en automne, avec l’odeur de la terre humide, de fruits rouges bien mûrs ou encore de la truffe. Ca m’étonnera toujours, de voir tout ce qui se cache dans un verre. Et puisqu’il pleut ce soir, nous sommes là plongés dans l’ambiance, heureux d’être au chaud à l’intérieur, sur la banquette et le fauteuil ultra confortables autour de notre table.
J’ai assez retardé le moment de goûter, je me lance. Ce que le bouquet promettait apparaît clairement : une douce amertume, un vin épanoui, léger et fort à la fois – ce fameux « équilibre du début à la fin » dont nous parlait Alex. Il n’est pas étouffant et ne persiste pas en bouche, présageant un accompagnement en cohérence avec le repas.
Le restaurant se remplit doucement : quelques couples, des familles, de la clientèle du quartier mais aussi une tablée de touristes anglais. D’ailleurs, hommage au serveur qui traduira la carte à toute la famille.
Je choisis la Burrata entière et gressini pour ouvrir la danse. La texture est parfaite, souple à l’extérieur et fondante à l’intérieur, fraîche. Les petits biscuits lui laissent la vedette en restant discrets. Le vinaigre balsamique – en spray ! côté ludique de l’instant – et l’huile d’olive extra vierge fluide et légère qu’ont sélectionnés Alex et son Chef, constituent un must de la Burrata mais sont là bien représentés. C’est une très belle entrée.
Jérémy, grand amoureux du foie gras, choisit le Foie gras des Landes mi-cuit, 2 belles tranches simplement posées dans l’assiette et accompagnées d’une tranche bien épaisse de brioche (croustillante et moelleuse). Il ne pensait rien apprendre de plus à propos du foie gras, mais me confiera ne pas se souvenir d’en avoir goûté de meilleur. « Ça, c’est à se damner. »
C’est l’heure des plats ! Très attendus, puisque c’est pour du bœuf que nous sommes venus, et c’est du bœuf que nous allons manger. Jérémy choisit l’Entrecôte de Black Angus. La viande est très tendre, je le vois découper ses morceaux comme dans du beurre. J’ai droit à une bouchée : elle croustille. C’est excellent. Les sauces au poivre et béarnaise tombent à pic. Mais c’était sans compter la Moutarde Violette de Brive que nous apporte le serveur. « La Moutarde Violette, avec de l’huile de noix, ça fait une excellente vinaigrette. » C’est noté !
Moutarde que je volerai d’ailleurs à mon comparse pour ma commande, le Tartare de bœuf italien, version aller-retour. Il est timidement caché sous la roquette, en total contraste avec la Burrata. Il est excellent. Tiède, une texture qui fond littéralement sur la langue, les pignons de pain croquent doucement sous la dent et les petites olives achèvent d’assaisonner le tout avec goût.
Ah oui, j’allais oublier : les frites. Eh bien, même si ça ne se fait absolument pas, nous les avons grignotées une par une avec les doigts. On ne vit qu’une fois.
Pour le dessert, nous suivons les conseils du serveur. Jérémy avait de toute façon posé une option sur le Moelleux au Chocolat-Cœur pistache dès le choix des entrées (je ne suis pas assez rapide), j’opte donc volontiers pour la Soupe fraîche d’abricots Bergeron au basilic et sa glace au lait d’amande.
La glace est très douce en goût. Le jus parfumé au basilic lie l’ensemble, et les abricots, une fois coupés en deux (n’hésitez pas à demander un petit couteau), assurent la base du dessert. Tout en délicatesse. Quant à Jérémy, je n’aurai absolument pas l’occasion de goûter le petit volcan à la lave vert émeraude posé devant lui. Pas assez rapide, vous dis-je. Et je crois qu’à l’heure actuelle il cherche toujours comment ils ont fait pour faire rentrer le coulis à la pistache ET le coulis au chocolat dans cette gourmandise absolue. Qui forment un bijou de dessert – un fondant, au chocolat, pistache émiettée pour le croustillant, une boule de glace à la vanille bourbon bien parfumée, et deux coulis, donc. Mais le secret de fabrication rend toujours les choses plus belles. Magie.
C’est déjà fini. Les assiettes sont vides, les verres aussi, mais pas le restaurant, et nous lui souhaitons de continuer ainsi. Anthelme Brillat-Savarin peut être fier. Car si Epicure disait que “ceux qui s’indigèrent ou qui s’enivrent ne savent ni boire ni manger. », Brillat-Savarin répond que “la gourmandise est l’apanage exclusif de l’Homme.” Soit !
Le Brillat
122 Avenue de Villiers – 75017 Paris
Tél : 01 43 80 10 10
Dès septembre : ouvert toute la semaine, de 8h pour le petit déjeuner à 2h du matin. Brunch le dimanche.