Sensing
19, rue Bréa – 75006 Paris
Téléphone : 01 43 26 99 27
Rendez-vous par un soir de juillet au Sensing, le restaurant qui appartient au célèbre chef étoilé Guy Martin et tenu par le très talentueux chef Rémi van Peteghem. Il se situe rue Bréa dans le 6ème entre Notre Dame des Champs et le boulevard Raspail. La devanture élégante et discrète du restaurant fait immédiatement penser à un écrin, par un astucieux jeu de miroirs.
Puis, on pénètre l’atmosphère du Sensing très rapidement comme on adopte une humeur. On se sent tout de suite zen dans ce décor élégant, tout en miroiteries… des cristalleries Baccarat sont posées derrière des glaces sans tain comme si elles flottaient… vous avez l’impression d’un mirage.
Retour à la réalité -ou presque- dans l’assiette. Et soyez prévenus, le chef Rémi van Peteghem le revendique : ici il ne s’agit pas de bombarder le client avec des saveurs. Les saveurs sont nettes et le roi de l’assiette, c’est le produit dans sa saison. Le chef pousse la logique jusqu’à aller se fournir chez de petits producteurs. Le produit, rien que le produit, et encore le produit, vous l’avez compris.
J’ai fait le choix d’une entrée fraîche, appréciable en ces temps de chaleur étouffante. L’assiette se présente d’abord comme une île de tomates anciennes cuites et crues, dans une eau de tomate. Puis devant vous, le gaspacho est versé sur la rosée de tomates. Que le spectacle commence! Cette variation autour de la tomate n’est pas seulement délicieuse, elle est réjouissante. Un voyage dans les différentes structures du fruit, la gelée mettant parfaitement en valeur le froid du gaspacho. Pour l’accompagner : un toast grillé recouvert de petites tomates et de pesto. Beaucoup de goût pour une entrée rafraichissante, entre deux lampées de cuvée des Conti 2003, intelligemment choisi par le sommelier.
Ermelinda prend des lisettes marinées, radis et concombres à la coriandre. Une entrée très fine dont elle retiendra la finesse du feuilleté, comme un parchemin, alliée à la finesse de la chair du poisson. Un jeu sur les textures qui la ravit.
L’heure du plat principal maintenant : une limande sole rôtie, accompagnée de gnocchis noirs au citrons confits et de câpres. La limande est travaillée à la perfection, elle fond dans la bouche, et les citrons confits dont vous sentez le goût dans un second temps, participent à cette délicieuse alchimie. La présentation originale, le poisson servi en forme de rectangle, annonçait bien la couleur. Ce n’est plus la limande telle que vous la connaissiez avant. Le chef réussit ici à anoblir la limande, poisson d’ordinaire considéré comme populaire. Les gnocchis à l’encre de seiche et les câpres ne font pas seulement que recolorer l’assiette, ils ajoutent une nouvelle note au plat, à la fois moelleuse et acide. Troisième note sur cette gamme sans erreur : le verre de Mâcon blanc 2009, délicieux.
Ermelinda prend un carré de cochon de Vallegrain rôti, artichauts et poitrine poivrée à la truffe d’été. Elle trouve la présentation florale, comme des pétales qu’on aurait jetées dans son assiette. L’assiette est poivrée ce qu’il faut, avec un généreux coup de main, c’est un poivre assumé. Une perfection qui va jusqu’aux olives (taggiasche), délicieuses.
Le dessert maintenant. Tout a pour l’instant été merveilleusement savoureux, la barre est donc placée très haute pour ce dernier voyage. C’est l’apothéose ! On comprend au fil des assiettes l’attention du chef, son volontarisme à suivre les saisons, à attendre le meilleur moment pour acheter le produit afin d’atteindre la perfection dans l’assiette. Le produit porte vraiment sa saison.
En face de moi, des abricots en tartelette avec des pistaches caramélisées, et mélisse. Ermelinda a l’impression de retrouver l’odeur du fruit, le parfum de la saison. Et puis, l’air enchanté et les yeux qui brillent, elle éprouve encore cette impression d’être dans un champ en raison de l’allure florale de son assiette.
Saison et désir de fraîcheur obligent, je choisis les fraises en mille feuille et glacé, tapioca et verveine.
Les fraises sont tout simplement délicieuses. Le mille feuille se mange très facilement, entre croustillant et douceur. La tuile de verveine dont jaillit une émulsion de fraises procure un plaisir fou. « Plaisir » pourrait même être le mot de la soirée tant chaque plat a été une réjouissance. Enfin, dans une verrine, des fraises glacées mêlées sensuellement à l’onctuosité du tapioca, une formidable explosion de fraicheur et de goût. Un ravissement en trois temps, une valse d’été déjà terminée. Car de chaque assiette, il ne sera rien resté.
Tarif: environ 90 euros par personne sans le vin.